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Relictes glaciaires : des témoins du passé

Ligulaire de Sibérie 1La ligulaire de Sibérie (Ligularia sibirica, Astéracées) pousse dans des lieux froids et humides, au bord des lacs tourbières (comme ici sur le cliché, au bord du lac de Bourdouze, lac-tourbière du Puy-de-Dôme) ou dans les marais. Cette belle, grande et spectaculaire plante est une habituée des endroits froids et humides, commune dans les pays nordiques, les zones périarctiques. Par contre, en France, elle est rare et protégée. On ne la trouve qu'en quelques "spots" du territoire métropolitain, sur les tourbières essentiellement, qu'elles soient auvergnates ou jurassiennes. Elle se plait tellement dans ces zones tourbeuses que le nombre d'individus constituant le spot peut être très élevé. Ligulaire de Sibérie 5

Que fait-elle là? Comment est-elle venue? A-t-elle quitté la Sibérie pour s'installer sous le ciel français?

Narse d'Espinasse Puy-de-DômeLa ligulaire de Sibérie n'a pas voyagé, elle était là depuis bien longtemps ! Elle était présente lors de la dernière glaciation, en Auvergne, poussant dans des conditions favorables pour elle : un froid humide prolongé. Il y a environ 15 000 ans, lorsque les glaciers ont fondu et que l'atmosphère s'est réchauffée, la ligulaire a reculé vers le nord, désertant la France et ses températures moyennes en hausse...sauf en altitude, dans des zones humides et froides, des cuvettes où les conditions arctiques ont perduré, comme ci-dessus dans un marais connu en Auvergne pour abriter des milliers de pieds de ligulaire : la Narse d'Espinasse, près de Clermont-Ferrand. Réfugiée dans ces zones inhospitalières pour beaucoup mais idéales pour elle, la ligulaire a survécu et a traversé le temps, devenant par ce fait une relique du passé, une plante relictuelle glaciaire.

linaigrettes Col Agnel QueyrasElle représente pour ces raisons un véritable trésor de la flore en France, une rareté témoin des millénaires écoulés, un patrimoine floristique unique. Elle n'est pas la seule ! Dans ces milieux de tourbières ou de marais humides et froids, d'autres relictes glaciaires l'accompagnent : c'est le cas par exemple du saule des lapons (Salix lapponicum, Salicacées), un petit arbre nain aux feuilles grisâtres, recouvertes d'un duvet chaud protecteur, ou encore des linaigrettes (ci-contre Eriophorum vaginatum - Cypéracées,  dans la zone marécageuse au col Agnel, à 3000 m d'altitude dans le Queyras). Les linaigrettes sont spectaculaires par leurs petits pompons blancs qui s'agitent dans le vent. Ces poils blancs prolongent les fruits de cette plante très discrète par ailleurs et permettent leur dissémination par le vent (Eriophorum polystachion ci-dessous). Eriophorum polystachion

La rareté et la beauté de cet héritage du passé font l'objet d'une protection en France. Pas de cueillette de ces plantes bien sûr, mais également mise en place d'une protection stricte de leurs lieux d'habitation, qui furent bien malmenés au cours des XIX et XXè siècles : réputés malsains et vecteurs de maladies, les marais furent asséchés et les tourbières exploitées pour leur sol.